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De plus en plus à notre époque, l’espace temps représente une valeur économique privilégiée. Nous avons de moins en moins de moments pour nous-mêmes, pour les autres. Il y a peu de place au hasard, aux rencontres fortuites, à l’aide ponctuelle entre voisins. Les individus se sentent seuls, même dans les grandes villes surpeuplées.

En quelques années, le rythme de vie s’est accéléré et nous aurions pu craindre un abandon de ceux qui ne peuvent pas suivre, de ceux qui ont besoin d’aide, ponctuellement ou pas, de ceux que l’on a appelé les « laissés pour compte ».

Sans salaire mais sous « contrat de fidélité »

Notre expérience professionnelle de psychologue clinicienne en France et à l’étranger, nous a donné l’opportunité d’être longuement en contact avec ces personnes bénévoles. Elles débordent d’une énergie semblant inépuisable. Elles dépensent toute leur force psychique dans l’objectif montré d’aider leurs compatriotes, mais aussi des individus qui paraissent leur être complètement étrangers.

A raison de plusieurs heures par semaine et sans aucun avantage pécuniaire, elles sont pourtant sous « contrat de fidélité » avec leur association. Les bénévoles y œuvrent souvent pendant de longues années. Ils s’attachent, coûte que coûte et souvent sur leur temps de loisirs, à offrir leur présence et leur écoute attentive aux malheurs des autres.

Ce sont les adeptes de ce nouveau type de lien social. Impliqués et responsables, ils rythment leur vie en fonction de leurs « permanences » à leur association, ou des périodes à risques. Ils trouvent à dégager du temps pour « l’autre », malgré une vie professionnelle et familiale souvent bien remplie, des problèmes personnels, un travail prenant…

Dans le cadre de notre pratique psychothérapeutique et de formation auprès de bénévoles, les notions telles que le plaisir de donner, de se donner, le besoin de « faire » pour l’autre, ou le désir de « rendre » quelque chose, de se situer par rapport à l’autre, d’apprendre, et même de « se nourrir » de l’acte d’aider, ont souvent été verbalisées.

L’acte de bénévolat ne va pas de soi

Les nombreuses études*, notamment sur les motivations de bénévoles, montrent combien ce comportement, valorisé selon les époques et les pays, ne va pas de soi. Il garde toujours quelque chose de mystérieux notamment pour les non bénévole,s mais aussi, et je dirais surtout, pour les membres mêmes de ces associations caritatives.

Quels que soient les processus psychologiques qui ont amené ces personnes à « agir » dans ces associations, nous percevons, qu’à notre époque et dans notre culture occidentale, il ne s’agit plus, seulement, de consignes religieuses qui permettraient de trouver un chemin plus direct vers le ciel.

Positif individuellement, vital socialement

Nous sommes en présence d’un nouveau type relationnel. Cette mise en acte dont l’utilité est le plus souvent positive individuellement pour le bénévole, reste toujours vitale pour la société.

Ce type de service, dispensé à titre gratuit, est considéré et « qualifié » comme un acte altruiste à travers un don, quel qu’il soit.

Le bénévolat et ses motivations

Afin de ne pas être prises au dépourvu devant le comportement de certains bénévoles, les associations font de plus en plus appel à des psychologues dont la fonction est de leur faire passer un entretien de recrutement avant tout contact avec un bénéficiaire.

Il est important, en effet, que les associations comme les bénévoles, sachent à quoi ils s’engagent, et aussi, ce à quoi ils peuvent s’attendre, ou envers quoi il devront faire un deuil.

Ce procédé de recrutement, si souvent décrié en France dans ce cas spécifique d’association caritative, est pourtant particulièrement indispensable pour prévenir désillusion, frustration, violence, dépression, voire décompensation de la part des bénévoles face à la souffrance humaine parfois la mort attendue.

Quel est donc le rapport entre ce qu’on appelle maintenant en France l’aidant et son désir de faire pour l’autre ? Comment ce type d’activité constitue-t-il, pour lui, une manière, nouvelle et positive, de créer du lien social dans sa vie ?

Selon le Petit Larousse, un bénévole est quelqu’un qui fait quelque chose sans être rémunéré, et sans y être tenu.

La littérature pluridisciplinaire actuelle, donne à repérer deux grands axes de réflexion, sans doute complémentaires.

L’un développe une liste de motivations de ceux qui font acte de don d’une manière régulière. Il y est notamment mentionné des raisons professionnelles (idée de stage gratuit, de se faire une clientèle…), des raisons politiques (se faire connaître, avoir du pouvoir…) mais aussi l’ennui profond, une solitude intime, voire une croyance religieuse.

Le second axe relève une grande implication des bénévoles qui se traduit par une pratique hebdomadaire assidue, des heures tardives, l’acceptation de nombreux inconvénients, parfois de dangers, particulièrement dans le milieu urbain.

Sans obligation, ni contrôle, ni gain personnel ?

En tout état de cause, le terme de bénévolat est entendu, dans le langage courant, sans conséquence, ne générant aucune obligation, donc une absence de contrôle, et évidemment une absence de tout caractère économique et donc de gain personnel.

Cependant, si cette logique était poursuivie à l’extrême, notamment dans le cadre de la notion de « don de temps à l’autre », il faudrait que le donneur n’ait même pas la satisfaction d’offrir son temps, ni d’obligations envers son association !

Nos recherches nous enseignent qu’il n’en est rien.

Le plaisir de donner ainsi que le cadre imposé par l’association sont des éléments inhérents et requis pour satisfaire le besoin profond, propre au bénévole.

L’altruisme et ses représentations

Nietzsche(1) refusait déjà l’idée d’un altruisme désintéressé. Pour ce dernier, le culte de l’altruisme était une forme spécifique de l’égoïsme.

Puis Freud, dès le début, a pensé que ce que l’on pouvait croire de la vertu, n’était qu’une nécessité intime pour le bienfaiteur . Ce chercheur décrit l’altruisme comme un mode de formation réactionnelle (voir lexique cigap.org) et notamment comme une réaction à l’égoïsme de l’enfant(2). Ce point est important.

Au profit d’un comportement, en général valorisé par la société comme l’altruisme, les éléments du conflit névrotique seraient écartés ou exclus de la conscience.

Mais Freud rapproche aussi l’égoïsme du narcissisme(3). Il note que « L’amour de soi ne trouve sa limite que dans l’amour de l’étranger, l’amour pour les objets ». Il distingue le narcissisme et l’égoïsme en tant que le premier est le complément libidinal du deuxième. C’est à dire que l’égoïsme est une sorte d’utilité pour le sujet, alors que le narcissisme est de l’ordre de la satisfaction libidinale(4) .

L’égoïsme serait le constant, le narcissisme en serait l’élément variable et l’altruisme en serait l’opposé en tant que formation réactionnelle.

Cette capacité de sollicitude montre la gestion de ses “besoins d’enfant” et donc une vie psychique adulte adaptée et saine à la vie en société.

Freud émet aussi l’hypothèse que le fait d’avoir perdu un être aimé provoquerait une « passion de venir en aide ». Mais il précise qu’il n’a jamais connu cette expérience(5). Plus tard d’ailleurs, il reprendra cette explication en la modifiant. L’expérience de la mort serait une cause, non de l’altruisme d’une manière générale, mais de la vocation médicale selon lui.

La conscience de l’altérité

Les sociologues, les économistes, les philosophes, les anthropologues, les historiens se sont depuis longtemps intéressés à l’altruisme.

Selon le philosophe Robert Lacombe(6), ce que l’être acquiert grâce au don de soi, c’est la dimension de l’absence. Ce qui a, pour nous, un rapport éminemment proche avec la conscience de l’altérité.

Dans le face à face du bénévole (l’aidant) et de la personne dite en souffrance (l’aidé), il y a la présence de l’autre qu’on écoute gratuitement.

Il y a aussi la différence présente. En percevant l’autre dans sa distance et sa solitude, il contribue à définir notre propre différence dans notre humanité et à devenir un aidant.

En même temps qu’il s’offre, l’être se cache. Il « déborde en silence ».

Et c’est peut-être ces deux notions de « pas assez » et « de trop » qui nous amènent à penser que l’acte de donner du temps, d’une manière régulière, à des personnes qui ne font pas partie de nos proches, est de l’ordre du manque par l’absence d’une part, et d’excédent par l’intrusion ou la fusion d’autre part, à un moment particulier dans la vie du bénévole en devenir.

Il y a autant de vécus de bénévolat que de bénévoles et il serait bien hasardeux de figer un profil évidemment.

Cependant, à travers ce type d’activité très valorisé dans notre société, chacun peut réfléchir à la signification de cet agir « qui ne va pas de soi ».

L’important est, sans doute, de trouver un équilibre de bien être personnel qui soit judicieux pour le bénévole lui même, sans être préjudiciable à l’autre.

PAR D. SERRANO FITAMANT PSYCHOLOGUE CLINICIENNE,
PSYCHOTHÉRAPEUTE, FORMATRICE SUPERVISEUR, FRANCE-ESPAGNE
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