Outil et objet de mes parents

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu cette boule dans le ventre qui m’empêchait de vivre pleinement, comme une forme de distance à mon propre corps. Pour moi, le meilleur moyen de résoudre ce mal-être était d’avancer, toujours plus haut, toujours plus vite et d’enfouir cette sourde mélancolie permanente.

Ça me rappelle mon père

Un jour, à 26 ans, je préparais à diner et mon petit ami de l’époque passant derrière moi me mit la main aux fesses, en dessous de mes sous-vêtements. Sans comprendre mon geste je l’ai repoussé violemment. Après le dîner, il me demanda alors pourquoi je l’avais repoussé ainsi. Du tac au tac, sans même y penser,
je lui répondit :« ça me rappelle mon père ». Et là un gouffre s’est ouvert sous mes pieds, des dizaines de souvenirs sont remontés à la surface. Je ne comprenais pas bien ce qui m’arrivait. J’ai été débordée par mes émotions et la peur.

Quelques mois plus tard, j’en ai parlé à mon frère. Sans que j’en sois prévenue, il a arrangé une entrevue avec mes parents : cela a été un des moments les plus difficiles de ma vie. Mes parents ont tout nié mais aussi ont dédramatisé les souffrances que je leur évoquais. Selon eux, j’avais un problème et je devais
aller voir un psychiatre. Pourquoi serait-ce donc à moi d’aller consulter alors que ce sont eux qui m’ont fait du mal ?
Je me suis alors refermée sur moi, comme une huître et mes souvenirs avec.

Instinct de survie

Huit ans ont passé. J’ai avancé dans la vie, me suis construit une carrière très honorable, eu des relations amoureuses, acheté mon premier appartement. Cette boule était toujours en moi mais j’avais appris à vivre avec. Elle faisait partie de moi depuis toujours.

Jusqu’au jour où j’ai demandé les coordonnées du CIGAP.ORG à une amie mais pas pour moi mais pour un ami…. J’ai toujours pensé que ceux qui avaient besoin d’une aide psychologique étaient fragiles. Moi, j’étais « droite dans mes bottes » ! je n’en n’avais que faire bien sûr ! j’étais forte, et n’avais pas besoin de
cela ! Je pouvais y arriver toute seule !
Et c’est vrai, qu’en apparence tout me réussissait dans la vie. En apparence seulement, car mon instinct de survie m’a poussé à prendre rendez-vous pour une première consultation.

Et là, dès cette première séance, j’ai raconté les faits et les abus sexuels de mon père, la complicité de ma mère…. Enfin j’ai raconté ce que ma mémoire m’avait laissée entrevoir. Je prends enfin conscience qu’il est vital pour moi de parler, de sortir ce poison enkysté et douloureux qui me ronge.
Il m’a fallu plusieurs semaines, plusieurs mois, pour évacuer ce que j’avais mis tant d’années à enfouir avec tant d’efforts. Au début de mon travail psychologique, j’avais peur, peur de ce qu’il pourrait en ressortir, peur de ne pas être capable d’affronter ce gigantesque démon : un père qui a commis l’inceste, une mère toxique, des parents maltraitants.

Un cadre où j’apprends à exister pour moi

L’écoute bienveillante de la psychologue thérapeute m’a apporté, pour la première fois de ma vie, un cadre et un espace où j’ai pu pleinement exister pour moi-même. J’ai pu exprimer ce que je ressentais réellement afin de laisser la place à mon traumatisme pour se dérouler doucement afin de mieux le comprendre et d’enfin l’affronter. M’écouter, me comprendre, m’accepter.

C’est aussi la première fois de la vie où je me suis sentie écoutée et comprise, et surtout cela m’a permis de découvrir qui j’étais vraiment. J’ai également réalisé une chose très importante : parler de son traumatisme n’est rien comparé à la douleur que le traumatisme lui-même engendre. Pour moi, la conséquence la plus envahissante de ce traumatisme est de douter de moi, douter de mes souvenirs, douter de mon vécu et cela se manifeste le plus souvent dans la vie personnelle et intime. Je remets tout en question, tout le temps. Ce qui a pour conséquence de ne pas avoir confiance en moi mais également de ne pas m’aimer à ma juste valeur.

Souvent, je fais passer les besoins des autres avant les miens. Leurs envies me sautent aux yeux et prennent toute la place, à tel point que je ne parviens pas à avoir le recul nécessaire pour savoir quelles sont réellement les miennes. Alors, comme un bon petit soldat, je m’exécute, je fais ce qui fait plaisir aux autres : je vais au concert d’un artiste que je n’aime pas, je fais un voyage que je n’ai pas envie de faire…
En fait, en faisant plaisir aux autres, je me fais souffrir. Le bonheur des autres est plus important que le mien, car le mien ne compte pas pour moi, comme s’il était illégitime. Jamais, durant mon enfance, mes envies ont été entendues par mes parents. Au mieux c’était un caprice, au pire il fallait que je satisfasse les
leurs : « tu seras gentille » m’a-t-on constamment répété.

Le plus beau cadeau que j’ai pu me faire …

Grâce au travail thérapeutique j’ai pris conscience des mécanismes qui se mettent en place. La solution que j’ai trouvé pour l’instant est de séquencer : je sais que l’autre a envie de A, est ce que j’ai envie de A ou plutôt de B ? Si c’est A donc je le fais avec plaisir. Si c’est autre chose, dans ce cas, j’essaie de dire non. Mais cela reste encore difficile. C’est un déchirement intérieur, j’ai peur de faire de la peine, de contrarier, que la personne soit fâchée contre moi. Je me comporte encore parfois comme la petite fille soumise que j’ai été. Mais une fois que j’ai pris mon courage à deux mains, je dis non. Alors je me sens mieux, soulagée d’avoir respecté mes envies et besoins.
Je pense que la prochaine étape pour moi, et j’y travaille, est d’identifier mes envies et de savoir les communiquer à l’autre, d’être capable de prendre l’initiative.
Ma plus belle victoire à ce jour est que la peur m’a quittée, je n’ai plus peur de mes souvenirs, je n’ai plus peur de mes parents. J’ai confiance en moi et en ma force intérieure pour affronter les épreuves.

Ce travail thérapeutique est le plus beau cadeau que je pouvais me faire : grâce à lui je construis les fondations solides de la personne que je suis vraiment et que j’ai envie d’être. Le chemin est encore long, j’ai encore bien des souvenirs qui n’ont pas trouvé le chemin de mon conscient, mais chaque étape du processus est une pierre apportée à l’édifice et j’en ressens les bienfaits chaque jour.

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