J’avais l’impression d’être le fantôme de ma société, invisible aux yeux de la direction, insignifiante aux miens
J’étais bien dans ma peau. Je m’occupais de moi. J’allais chez le coiffeur régulièrement. Je me tenais informée des actualités et de la mode. A 25 ans, j’avais mon petit appartement, des amis et je sortais le week end.
Je ne pensais pas, qu’un jour, j’en arriverais à faire ce que j’ai fait! Qu’est ce qui a pu me rendre ainsi? Sans volonté, sans réaction? Comment ai-je pu accepter, tout simplement, ce que j’ai accepté? J’ai subi, j’ai souffert,« j’ai crevé », moi aussi, d’harcèlement moral. AVANT, cette expression était pour moi vide d’émotions avant mon calvaire. Ce n’était qu’un mot mis sur une situation. Un point c’est tout.
Mais je l’ai vécu avant de savoir ce que c’était. Je me souviens que j’avais la sensation qu’un mal sournois et destructeur me détruisait peu à peu… comme un cancer, je le sentais me ronger! Avec le recul, je me demande encore comment j’ai pu me l’imaginer comme un cancer en moi, alors que le mal était en l’autre.
J’ai été la victime et c’est moi qui culpabilisais!
De l’amusement à la peur
Je travaillais depuis mai 2002 dans une grosse entreprise de service, comme assistante de direction en stage. Mon supérieur direct était l’assistante de direction, c’est-à -dire l’assistante du patron. De temps en temps, elle me donnait un travail impossible à réaliser dans la même journée, et ceci soit pour une raison de logique (joindre des personnes entre midi et 14H), soit en raison du nombre de tâches à effectuer.
Par exemple, elle me demandait d’envoyer la même journée différents niveaux de lettres de rappel au même client. Parfois, elle demandait d’écrire une réponse d’une lettre qu’on était supposée recevoir bientôt… Devant une telle imbécillité (ou de folie), je passais d’abord par l’amusement. Très vite, je sombrais dans l’agacement, puis vînt la rage. A ce moment là, je réagissais encore…
Elle commença alors à mettre en doute directement mes capacités. Et soudain, je remarquais que j’avais peur… Sans savoir de quoi. Ma souffrance fût à son apogée, les six derniers mois de mon contrat. Je baignais dans une tristesse profonde dont je ne voyais pas les causes! J’étais continuellement souffrante.
Un jour des maux de tête, l’autre un mal au dos, le troisième un torticolis. Mais j’étais toujours à mon poste, comme un combattant retranché. Je sombrais peu à peu sans faire le lien direct avec ce que je vivais à mon travail!
Dorénavant, toutes les tâches les plus intéressantes étaient confiées à d’autres. Je ne répondais plus qu’au téléphone (ma chef écoutant et espionnant tout de même mes propos. je faisais des photocopies (les siennes en particulier) et j’effectuais le classement et l’archivage. Je pliais la documentation. je mettais des tampons sur des enveloppes. Je collais des timbres… Dés mon arrivée, elle disait ne rien avoir à me donner à faire et qu’elle ne savait pas pourquoi j’étais là. Je comprends maintenant qu’elle n’eut jamais réellement la volonté de me former, ou la capacité. Parfois, m’ennuyant pendant des heures entières, je faisais le ménage et je me promenais dans les bâtiments.
le fantôme de la société
J’avais l’impression d’être le fantôme de la société, invisible aux yeux de la direction, insignifiante aux miens. En y entrant, je ne m’attendais pas à autant de mépris, négation de l’autre, de complicité passive. Il m’était reprochée des faits ou des actes qui n’étaient pas de mon fait. Le peu de travail que l’on me confiait n’était jamais suffisamment bien exécuté. Elle corrigeait automatiquement tout écrit que je pouvais faire… même sur les post-it… oú elle rajoutait des virgules!
Je commençais à me poser des questions quant à mon avenir et quant à mes choix d’orientation professionnelle. En fait, seule chez moi, je me demandais, tout simplement, pourquoi je vivais.
Cela en dit long sur son comportement et son impact sur moi. Elle aimait à me démotiver en décrétant que, malgré mes diplômes et mon expérience, j’étais une incapable. Puis elle passa au stade supérieur de l’humiliation en assurant m’avoir prise par pitié. Des insultes déguisées lorsque nous étions seules, elle passa aux injures quotidiennes, et répétées, en public. Les autres salariés remarquèrent son comportement infâme, mais n’osèrent rien dire. Ils n’osaient même pas me montrer qu’ils s’en rendaient compte. Je voyais leur regard… mais personne ne vînt m’en parler.
Comment expliquer que des mots, des regards, des gestes, anodins, pris un par un, peuvent détruire un être humain? J’en étais arrivée à trouver normal de changer l’eau des poissons sur son bureau, d’aller lui chercher son café… Heureusement, mon contrat prit fin, et j’ai eu la chance de n’être pas reconduite dans mon poste… car je crois que j’aurais été capable d’accepter!
Ma propre prison
Mais ce n’était pas fini!. Pendant de longs mois il m’était devenu impossible de me mettre à rechercher du travail. Je ne savais plus écrire une lettre, et mes amies ne me reconnaissaient pas. Je ne sortais plus le soir prendre un verre. Pourtant, je n’avais pas d’excuses; ni la fatigue de la semaine, ni les occupations, ni le stress du travail. Bref, je ne pouvais plus répondre à leurs questions ou soutenir leur regard perplexe, et je restais seule chez moi. Pendant plusieurs mois, ma vieille mère fut ma seule visiteuse (comme si j’étais dans ma propre prison!). Elle s’inquiétait. Je ne répondais plus au téléphone.
Fière de vous dire que je vis
Un matin mon corps n’était plus qu’une masse douloureuse impossible à le sortir du lit. Je fis venir mon médecin. Il me regarda comme s’il ne m’avait pas vu depuis des années! A travers ses yeux, je m’entrevoyais: J’avais pris plusieurs kilos, mes cheveux poisseux n’avaient plus de couleur, et mon appartement ressemblait à un champ de bataille! Je ne m’occupais plus de rien depuis longtemps!
Il m’écouta parler de ma vie, de mon chat qui était mort, de mes plantes devenues sèches, de mon enfance dans un pays baigné de soleil…. je mélangeais tout. J’avais confiance en lui et lorsqu’il m’expliqua qu’il ne pouvait pas m’aider tout seul… je me demandais quelle était cette maladie grave qu’il ne pouvait pas soigner!! Lentement et patiemment, il pris son temps pour m’expliquer.
J’avais subi un harcèlement moral et je devais consulter un psychologue. Il n’y avait pas de médicaments pour soigner cette souffrance au fond de moi. Je devais aller la rechercher et la sortir de moi pour en faire une force. Je ne comprenais pas grand chose de ce qu’il me disait à cette époque, mais ses paroles sont restées gravées en moi. Il prit, lui même, un rendez vous avec une psychologue de sa connaissance car je n’avais même plus le téléphone.
je me sentis lavée
Dans la petite salle d’attente, je ne comprenais pas ce que j’y faisais. Et lorsque la femme aux longs cheveux me reçut, je remarquais tout de suite ses yeux perçants et en même temps sa voix douce. Je ne me souviens pas comment elle était habillée mais elle avait le regard clair et la voix calme. Il émanait d’elle une impression de netteté, de clarté, de franchise, de propre… je me sentis lavée… lavée de toute la saleté que j’avais dû supporter.
Une impression étrange. Elle rangeait ce qui m’encombrait en m’aidant à trouver des mots. C’est là que j’ai mis des pleurs aussi sur le mot « harcèlement ».
Pour choisir vous même votre rendez-vous sur l’agenda du psychologue cliquez ICI
Pour prendre un rendez vous par mail, cliquez ICI
Cet article est la propriété de son auteur, qui a autorisé www.cigap.org à l’héberger. A ce titre, il est protégé par le copyright du site www.cigap.org. Toute reproduction, partielle ou totale, de cet article, sans autorisation écrite de la main de son auteur, sera passible de poursuites judiciaires. Seules sont autorisées les citations brèves du texte, citant la page d’hébergement de l’article sur www.cigap.org. ©2006-2022 CIGAP.ORG