En tant que médecin, je connais les symptômes des états dépressifs de mes patients, mais je crois que j’ai mis un voile sur les miens.

Les symptômes des états dépressifs

Pour moi, la gestion d’une situation traumatisante fait partie de ma gestion personnelle. En tant que médecin, je connais les symptômes des états dépressifs de mes patients, mais je crois que j’ai mis un voile sur les miens.
Je devais me donner l’impression d’assurer et d’assumer Quel que soit le stade, je devais me débrouiller toute seule. Oú que vous travailliez, c’est la même chose. Cependant, moi, je connaissais ces symptômes là, de la dépression. C’est vrai qu’il est possible d’aller à l’extrême, de laisser complètement tomber son métier et sa famille, éventuellement d’aller jusqu’au suicide quand tout va mal. C’est un tribut lourd à payer pour vouloir se débrouiller toute seule.

Une situation de harcèlement

J’ai vécu une situation de harcèlement réellement difficile. Il n’y avait aucune collaboration entre mes collègues médecins, ni de l’administration. Dans mon cas, ce sont mes frères et sœurs qui ont essayé, en premier, de me dire que je devais arrêter net mon travail pour ma propre santé. Puis, lors d’un entretien
avec ma dermatologue, elle a évoqué un très probable harcèlement avec un schéma relationnel très particulièrement sur un mode « paternaliste »….

J’ai démissionné

Plusieurs semaines après les remarques de mon confrère, j’ai pris quelques jours de congés puis j’ai démissionné. Je ne m’étais pas rendue compte tout de suite de l’état dans lequel je me trouvais, car, comme toujours, c’est un processus qui se met en place insidieusement. J’ai une personnalité un peu forte et mon patron est misogyne. Pour lui, les femmes doivent rester dans les « rangs ». Il accepte également, qu’avec beaucoup de difficultés, celles qui ont un certain niveau d’études et une personnalité trop forte et trop directe.
A partir du moment oú j’ai exprimé quelques idées pour essayer de faire évoluer le service, que j’ai insisté en démontrant certains points de vue, nos relations se sont dégradées. Je remettais sans doute en question ses propres points de vue et sa gestion du service. En médecine du travail, il y a beaucoup de femmes et c’est vrai qu’il y a certains collègues qui mènent leur profession sans faire de « vagues ». C’est parfois difficile pour un jeune médecin de faire un peu avancer les choses ou d’essayer de faire passer de nouvelles idées.

Le rôle des médecins du travail

Il y avait un ensemble de choses qui ne fonctionnait pas dans ce service. Normalement, à cette époque, les médecins de travail devaient suivre un certain nombre de salariés; à peu près 2900 sur l’année. Dans ce service, l’effectif suivi était beaucoup plus important, mal comptabilisé, mal répertorié dans les classes de surveillance professionnelle.
Il était impossible de le gérer, ni de faire un travail de qualité. Il y avait un retard très important à mon arrivée sur le secteur avec des mécontentements tant de la part de salariés que d’employeurs d’entreprises. J’aimais mon travail mais j’étais obligée de travailler d’une manière superficielle, avec peu de moyens matériels.
Je n’avais pas suffisamment de temps pour l’effectif qui m’était imposé. Cela devenait particulièrement compliqué d’essayer de faire un travail efficace tout en satisfaisant les salariés, les employeurs mais aussi mon patron, non médecin, et selon lequel nous devions gérer selon ses propres critères d’urgence.
Lorsque j’ai essayé de soulever ces points, la situation s’est bloquée. Il fallait se taire, ne rien dire surtout. Nous nous devions simplement de faire un maximum de consultations « payantes ».
Initialement, mon patron m’était apparu très ouvert, voulant améliorer le service. J’étais là pour apporter « du sang neuf ». Il avait accepté verbalement certains projets de formations qui me tenaient à cœur et qui auraient pu apporter un plus à son service et aux entreprises. Je m’étais engagée et je voulais me construire un « avenir ». Je croyais vraiment en cet avenir et c’était important à mes yeux mais aussi au regard de ma famille….

J’ai toujours dit sincèrement ce que je pensais

Mais plus j’expliquais les dysfonctionnements évidents du service, plus les relations se dégradaient. J’ai toujours dit sincèrement ce que je pensais. Je n’ai eu strictement rien en retour; aucune réponse. Il feignait de comprendre les problèmes et de vouloir apporter une solution. Mais en fait, il laissait pourrir les situations. C’était à moi seule d’encaisser le problème, de gérer le nombre de consultations, les demandes croissantes de part et d’autres mais toujours sans pouvoir y répondre. Il restait distant, protégé dans son bureau, loin de la réalité de terrain.

C’est à ce moment là que j’ai commencé à me poser des questions. Je me suis aperçue de sa réelle volonté de ne rien faire. Au bout d’un certain temps, je n’ai plus rien dit. Malgré tout, je continuais à faire mes demandes par écrit. Cela l’énervait. Puis un jour, il m’a convoquée. Il évoqua un travail lent de ma part mais aussi inefficace et superficiel et des plaintes de certains employeurs. Ces supposées plaintes ont été démenties par la suite par ces mêmes employeurs.

Si j’avais été son gamin, il me botterait les fesses

La convocation s’est soldée par des reproches sans discussion réelle. Il eut des propos du type « qu’il fallait bien qu’il me paye à la fin du mois » ou « que si j’avais été son gamin, il me botterait les fesses »…
Ces paroles m’ont réellement blessée et heureusement qu’il m’était impossible physiquement de l’agresser car cet entretien houleux m’avait vraiment perturbée. Alors je me suis levée en demandant s’il voulait me frapper…puis je suis sortie…une convocation sans issue… Je crois, en disant ces paroles, qu’il s’est rendu compte être allé trop loin mais tardivement et sans remord ni excuses… même plus tard…

Elle a dit les mots justes

Je suis partie quelques jours en congés et j’ai démissionné. Pendant ces congés, par le plus grand des hasard (ou pas?), j’ai rencontré une dame extraordinaire au delà d’être une professionnelle RH. Avec ses mots à elle, avec sa simplicité, sa gentillesse, elle a dit les mots justes, elle a dédramatisé la situation. Elle m’a aidé à retrouver confiance en moi. Elle m’a aidée à finaliser ce cap de la démission, à vouloir continuer d’avancer.
Je me serais arrêter 100 Km avant ou après cette aide de repos, je ne l’aurai pas rencontrée, ni vécu ces instants magiques. Lorsque mes frères et sœurs m’avaient vue effondrée, ils ne savaient pas réellement comment réagir bien qu’ils aient essayé de me dire de stopper ce travail en prenant un arrêt. Plusieurs mois se sont écoulés entre la première évocation de harcèlement par ma dermatologue et ma démission.
Je ne pouvais plus faire cette médecine de qualité que je recherchais. J’ai voulu me faire appuyer par le médecin syndicaliste. Peine perdue, car il était tout seul, lui aussi sans appui réel, et il n’a rien pu entamer.

Un non médecin donnait ses critères d’urgence

Je ne pouvais plus supporter de côtoyer ces gens là. Tout m’énervait. Ce patron n’est pas médecin, c’est un pur administratif, sans aucune connaissance spéciale sur les aspects de la médecine et encore moins de la médecine du travail. J’ai été très frustrée d’avoir des directives de ce type, des directives impossibles de tenir, incohérentes. Un non médecin donnait ses critères d’urgence.
A la fin de période de préavis de démission, il m’a contactée pour « faire le relais ». Il ne m’a posé aucune question. Je n’ai donc rien pu verbalisé. Encore une convocation vierge de tout discours réel. Cela m’a beaucoup affectée. C’était insupportable. Ce comportement misogyne, sa manière de travailler, son impunité ont provoqué en moi une réelle impression de dégoût.
D’ailleurs, il continue toujours. Personne ne l’a arrêté. Les autorités compétentes, n’ont rien fait encore. Il m’est encore difficile de m’exprimer sur cet homme! Il pensait peut-être qu’il me tenait, que je n’allais pas démissionner, que j’allais « suivre le mouvement » par fatalisme.

Maintenant, j’ai une autre pratique. Pourtant, je vivais encore cette expérience comme une forme d’échec avant d’entamer une psychothérapie, qui certes n’est pas aisée, mais qui me permet de me respecter et de me pardonner d’avoir tant accepter.
Dans mon nouveau poste, en médecine du travail, j’ai une liberté d’action infiniment plus grande. Mon travail est respecté. Je suis écoutée et cela me touche positivement. Il ne m’est pas imposé de faire 20 consultations dans la matinée comme auparavant. On me demande avant tout ce travail de qualité que je recherchais tant.

Démotivée

L’investissement affectif n’est plus le même, certes, mais n’est ce pas mieux pour libérer son esprit plus facilement ?
Néanmoins, même pendant ces espaces temporels réduits, je peux vivre des moments extraordinaires avec les gens. Quand je termine une mission et que cela c’est bien passé, j’ai un petit pincement au coeur mais je me souviens du départ comme d’un moment « inoubliable ». Si le contrat se déroule mal, ce sera un soulagement de partir simplement mais j’avoue qu’à ce jour je n’ai plus revécu de situation critique et c’est très bien.

Je peux concevoir que ce mode professionnel soit difficile pour un médecin marié et « installé ». Cependant, dans mon cas, je sais que pour l’instant, j’ai ce besoin de plusieurs expériences professionnelles différentes avant de me ré-engager sur une longue période. J’ai besoin de me rassurer complètement professionnellement et dans différents endroits, me prouver que les problèmes ne venaient pas que de moi.

Pour éviter de craquer et gérer mon problème, il faut aussi que je conserve un espace de liberté et une maîtrise de ma gestion du travail. J’ai compris à temps que je devais aller parler à un professionnel de la psychologie. Peut-être qu’un travail en profondeur est parfois douloureux, mais un soutien psychologique à des moments précis peut être la solution pour régler ce moment de crise et ne pas en garder trop de traces. Il est important de croire en ses projets ou ses convictions, surtout pour moi. Lorsque l’on fait du théâtre, on enfile un costume et on joue au mieux la pièce avec les différents acteurs et pour notre public… quels que soient nos états d’âmes, il faut jouer. Endossons notre costume comme on nous l’a appris et jouons notre partition au mieux. Quand je vois les vagues, quand j’entends les arbres, le vent les oiseaux…je me dis que la terre continue de tourner… alors moi aussi je veux continuer d’avancer.

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