Etrange paradoxe de nommer ce voyage, ce retour au pays natal de mes parents, un exil volontaire.
Oui, un exil car une force me poussait à quitter mon pays d’accueil, à quitter mes amis, à quitter ma famille pour me retrouver dans un pays inconnu, un pays dont les seuls échos sont ceux d’un départ forcé, d’un départ fait dans la douleur et dans l’abandon des siens.
Étrange sentiment de revenir dans le pays de mes parents, dans le pays dont ils en sont exilés, dans le pays où les souvenirs partagés ont jalonné mon existence d’enfant. Mais ces souvenirs évoqués par ma famille n’étaient que de simples traces, de simples mots dont je n’avais que faire mais qui s’y inscrivaient de force dans ma façon d’être, dans ma façon d’aborder les évènements environnant et dans mon identité. O combien il m’a fallu de temps et d’énergie pour combattre ces souvenirs, ces traces en m’en dégageant le plus possible, en rejetant l’histoire familiale, une histoire que je considérais comme appartenant seulement à mes parents, en me formatant et en me fondant dans la culture de mon pays…d’accueil.
Sentiment d’appartenance
Les années ont renforcé ce sentiment d’appartenance à une seule culture et à un seul pays avec le risque parfois d’oublier voire de rejeter tout ce qui appartenait aux origines de mes parents. Une construction personnelle faite dans un état clivé, où s’opposaient la culture du pays d’accueil et la culture d’origine, le choix de ne pas être biculturel, le choix d’être.
Après tant d’années d’errance, tant d’années de rejet de cette culture, j’ai fait un choix: celui de revenir vers les traces de mes parents, et de construire à mon tour mes propres souvenirs. Me reviennent en mémoire les mots de ma famille, les mots de mes amis sur cet étrange retour au pays natal, la question du pourquoi ce retour, et dont les seules réponses que je pouvais fournir étaient celles d’une obligation, d’une nécessité à partir et à me ré-approprier les traces de mes parents, pour qu’enfin elles fassent partie intégrante de mon identité.
Départ forcé
Oui un exil, un départ forcé vers un pays jusque là inconnu mais paradoxalement un départ voulu, un départ souhaité de manière singulière, le choix d’un exil volontaire. Comme tout exil, cela m’a demandé d’abandonner les êtres qui me sont chers, de laisser des histoires en suspens, de laisser une partie de mon histoire et de construire ici de nouveaux liens, une nouvelle histoire, une nouvelle identité. Plus précisément d’accommoder, d’appréhender et d’apprivoiser l’histoire familiale, une histoire qui deviendra mienne.
Un exil volontaire qui permet de me construire, ou plus précisément de me reconstruire. De tenter d’allier culture d’origine et culture d’accueil, pour qu’enfin ces deux s’accommodent, et qu’enfin qu’à l’entre deux s’ouvre un espace unique celui de la biculturalité. Cela fait seulement 6 mois que je me retrouve dans ce pays et certains gestes, certains actes enfouis au plus profond de moi retrouvent leur juste place dans ce milieu.
Étrange sentiment que celui de découvrir, ou de redécouvrir des odeurs, des saveurs qui ont jalonné mon enfance et qui prennent ici un autre sens, un sens singulier, un sens particulier où se mêlent souvenirs d’enfance et fantasmes. Souvenirs familiaux de plats odorants et savoureux lors d’évènements particuliers, mais aussi des plats quotidiens dont subsistent seulement une odeur, un goût, une sensation transformée.
Et en séjournant ici, je réalise qu’à ces odeurs, ces goûts et ces sensations sensitives s’allient cette fois-ci une histoire, celle de mon enfance. Étrange éprouvé que ces plats provoquent dans mon for intérieur, étrange lien que ces derniers instaurent dans mon exil. Comme s’il me fallait revenir dans ce pays natal pour retrouver des traces infantiles et pour qu’enfin ces dernières éveillent en moi des souvenirs refoulés et parfois tant appréhendés.
Les sons aux paroles, les échos aux souvenirs
Les sons, au départ échos, deviennent peu à peu paroles et prennent enfin sens. Je me réapproprie peu à peu ma langue maternelle et retrouve par là même des mots, des structures langagières longtemps enfouis au plus profond de moi, et auxquels s’attachent des souvenirs refoulés. C’est avec difficulté que les paroles
s’expriment, c’est avec pudeur qu’elles tentent de s’extraire, c’est avec humilité qu’elles se hasardent à rencontrer une oreille attentive. Mais je m’accroche à cette langue, car je sens et éprouve qu’elle sera celle qui me permettra de restaurer les liens familiaux.
Une langue maternelle qui peu à peu s’est construite autour et à travers des sensations sensitives et qui forment la base d’un passé révolu, une langue cette fois-ci paternelle qui peu à peu se construit pour tendre vers un à venir.
Une trajectoire à venir oú cette langue sera le point de liaison familiale. Et qu’enfin je puisse construire à mon tour une histoire commune où la langue, les mots, les paroles faisaient tant défaut. Éveil des sens et du sens oú se mêlent traces et fantasmes pour construire les liens, les ponts, les chaînons de ma propre histoire. Que cet exil volontaire n’engendre pas mon propre exil intérieur, mais construise mon chemin de vie, mon chemin à venir.
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