Dans l’article « La clinique à l’épreuve de l’expatriation » (dans ce site) nous avons soutenu l’idée que le travail clinique du sujet expatrié nécessite d’envisager une échéance de retour. Il est entendu que ce retour concerne spécifiquement les personnes qui ont la possibilité de retourner dans leur pays d’origine.

Nous excluons, dans une moindre mesure, les personnes qui sont forcées pour des raisons politiques, religieuses et/ou idéologiques de vivre hors de leur pays.

Cette distinction est relative, puisque la situation d’expatriation convoque chez les individus –quelques soient les conditions – le souhait d’un retour possible ou fantasmatique dans leur pays d’origine.

Nous aimerions rappeler un mouvement migratoire, ayant marqué le Vietnam, qui a été celui des « boat people » qui quittèrent Sai Gon, ou tentèrent de le faire, après la chute de 1975. Quelques années plus tard, des vagues successives de migrations ont eu lieu. Il va sans dire que ces migrations se sont produites pour des raisons politiques et idéologiques.

Actuellement, la diaspora vietnamienne s’élève, à travers le monde, à quelques 2 millions d’individus. Pour ces derniers, l’attachement et l’amour du pays restent omniprésents mais c’est surtout la haine du communisme qui persiste.

Malgré une ouverture du pays et une certaine prospérité retrouvée, les retours des anciens migrants sont peu nombreux. Nous assistons surtout à une vague de la seconde génération qui (re)viennent pour les vacances, activités professionnelles ou pour y préparer le retour de leurs parents.

Ainsi malgré le souhait vivace des migrants vietnamiens de « rentrer » au pays et quand le retour au pays est possible alors les doutes, les peurs et les hésitations font jour. En fin de compte, le fantasme du retour est particulièrement ancré mais la concrétisation psychique est difficile.

Reste comme dette psychique, pour la seconde génération, d’honorer le fantasme du retour de leurs parents.

Le retour, nouvel exil ?

Nous allons maintenant nous concentrer sur la notion de retour pour ces expatriés ayant la possibilité de revenir au pays d’origine. Nous avons soutenu la position selon laquelle le retour signe un nouvel exil car c’est le retour vers un environnement non immuable.
Et pour que ce retour soit possible, le sujet se doit d’avoir accéder à une certaine créativité.

Nous pouvons avoir le sentiment d’une certaine contradiction entre les deux termes : exil/créativité. Or si nous nous référons à l’étymologie du mot exil en hébreu cela donne « galout » dont le verbe est « gala » qui veut dire découvrir, dévoiler. N’est-ce pas le sens même de la créativité ?
Il va sans dire que ce terme de créativité renvoie à la conception primaire, celle de l’approche de la réalité extérieure de par un environnement sécure permettant d’aller au devant de Soi, et non celles secondaire ou tertiaire qui renvoient à la création artistique.

Si nous avons insisté sur les préalables du travail clinique du Sujet expatrié, lors de l’article  » La clinique à l’épreuve de l’expatriation  » (dans ce site) , c’est que la « décision » du retour est rendue possible par l’émergence de la subjectivisation du Sujet.
Le retour s’accompagne des « mêmes » angoisses liées à la séparation.

Le retour, nouvelle séparation ?

Mais ces angoisses là , sont dans une appréhension ambivalente. Le retour se double d’une séparation avec des êtres qui ont jalonné son expatriation, des biens matériels qui seront abandonnés mais aussi l’espoir secret de retrouver les êtres qui lui sont chers, des lieux connus, des repères. Ainsi, à la différence du départ initial, le retour semble moins inconnu…

Mais c’est dans cet espoir secret que réside toute la difficulté du retour. En effet, les mécanismes de défenses qui concourent à la réduction de la séparation permet d’entrevoir ce retour comme un retour « au même », à l’immuable.

Ce que nous avons nommé comme le fantasme de la Belle au Bois Dormant ou tout reste en suspend, endormi jusqu’au retour au pays.

Or, tout le travail clinique va tendre à reconnaître l’ambivalence de la situation de séparation et de perte. Face à cette décision du retour, le Sujet est acculé à des angoisses primaires : peur de la perte de repères, du lien social provoquant des sentiments d’insécurité.

Poussons plus loin la réflexion, au niveau clinique, sur cette notion de perte. Quelle perte pour le Sujet qui retourne dans son pays d’origine ? La langue française nous offre une définition du terme de retour comme un « parcours, temps pour revenir au point de départ » (Le Robert). Définition où se profile pour le Sujet, un sentiment de régression.

Le retour, une régression ?

Comment revenir à son point de départ sans avoir le sentiment de régresser voire de perdre son autonomie ?

Nous soutenons l’hypothèse selon laquelle la décision du retour réactive chez le Sujet des angoisses de régression.

Nous rappelons que s’expatrier c’est « être loin de sa terre, être loin du père voir être loin de ses parents ; finalement s’expatrier c’est se séparer du pays, de ses parents ( le père/pater, la mère-patrie) » ( V.Hoang).

Finalement, prendre la décision du retour serait psychiquement et inconsciemment pour le Sujet régresser au stade infantile, celle de la dépendance aux parents.

Or, les motivations intrinsèques des « Sujets » à s’expatrier relèvent de ces tentatives d’autonomisation et de mise a distance géographique avec les parents, avec le milieu socio-familial.

Il y aurait donc achoppement entre les raisons inconscientes qui ont motivé cette expatriation et celles du retour. Achoppement créant chez le Sujet, une certaine ambivalence dans la décision du retour.

Outre le travail de reconnaissance de la Séparation, de la Perte et du fantasme de la Belle au Bois Dormant le travail clinique va consister a permettre au Sujet de réinvestir voire de consolider ses bons objets internes.

Nous entendons par là , les bases de son identité qui vont permettre au Sujet de continuer sa quête identitaire sans pour cela se sentir diviser. Et tendre ainsi à la créativité nécessaire à la poursuite de sa migration vers son pays d’origine.

PAR VICTOR HOANG, PSYCHOLOGUE CLINICIEN,
DOCTORANT EN PSYCHO-PATHOLOGIE CLINIQUE, FRANCE -VIETNAM
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