J’avais construit automatiquement et inconsciemment une « croûte » ou une « carapace émotionnelle »
pour me protéger des douleurs parmi lesquelles j’évoluais à chaque instant.

Ce témoignage a été traduit de l’anglais.

Je n’ai plus vingt ans et je ne vis pas dans mon pays d’origine. Mes premiers postes se déroulèrent dans un cadre militaire et dans le secteur indépendant. Ensuite, je suis parti avec les Nations Unies dans les années soixante-dix. Je travaillais principalement sur le terrain, dans des situations de pauvreté aigüe et de sécurité précaire et souvent loin des centres principaux de population et j’ai pu voir combien mes collègues se dépensaient, physiquement et psychologiquement, jusqu’à l’épuisement.

D’une manière assez insouciante, ils se vidaient d’un émotionnel à fleur de peau. Ils payaient le prix fort leur entière implication dans ces zones de souffrances humaines. C’était aussi mon cas.
Durant la première douzaine d’années j’étais célibataire. Les différentes rencontres amoureuses avec des collègues ou d’autres personnes travaillant dans le même contexte, m’ont certainement préservé affectivement, mais temporairement.
Puis, plus tard, j’ai rencontré ainsi la personne qui devînt ma femme. Dans ce cadre, il est à souligner l’impact catastrophique que mes habitudes libertines de célibataire ont eu, par la suite, sur mon mariage. Mon épouse et moi avons pu obtenir des mutations de postes qui nous ont, plus ou moins, permis de rester
géographiquement ensemble. Ceci était loin d’être évident à cette époque. Ca l’est devenu encore moins au fils du temps dans ces postes si particuliers en zone de conflits armés ou civils. Durant toutes ces années, j’ai rencontré de nombreux collègues dont le mariage a éclaté.

L’une des principales causes de ces ruptures, est la longueur des séparations obligatoires dues à une affectation professionnelle dans les lieux catégorisés par les Nations Unies comme « sans famille ». Ces zones sont trop insécures pour recevoir les proches de l’expatrié. Il faut noter aussi que, dans les années soixante-dix, l’existence de tels postes étaient relativement rares. En 2005, dans l’organisation onusienne en question, les lieux d’affectations actifs ( no family posting) dans le monde existaient dans plus de 50% des cas.

C’est vers l’année 1990, environ, que mon agence des Nations Unies a commencé à saisir l’importance de veiller sur la santé psychique de ses cadres. Même si la responsable du service n’était pas psychologue, c’était déjà en pas en avant.
Ceux qui œuvraient en zones dangereuses étaient agressés au niveau psychique en tant que témoin de la souffrance qu’ils côtoyaient au quotidien. Pour ma part j’en suis devenu conscient, relativement tôt. J’avais construit automatiquement et inconsciemment une « croûte » ou une carapace émotionnelle qui, pensais-
je à ce moment là, me protégerait des douleurs parmi lesquelles j’évoluais à chaque instant. Je croyais que cela serait suffisant. Par conséquent, lorsque mon organisation créa un service d’aide psychologique pour  ses employés, je ne me sentais pas particulièrement concerné. Je pensais que je n’en avais pas besoin, ni
sur le terrain, ni au siège de mon organisation. En effet, entre temps, la plupart de mes activités se développait dans le cadre de la gestion, de l’administration et des ressources humaines sur le terrain des opérations mais aussi, parfois, au siège de mon agence. Parallèlement, je m’étais investi dans la foi religieuse. J’ai suivi une formation de relation d’aide que j’ai pratiqué bénévolement à côté de mes activités onusiennes. J’y avais aussi trouvé, bien évidemment, une aide personnelle.
C’est à ce moment, que j’ai pu rencontré une psychologue qui oeuvrait pour plusieurs agences onusiennes. Elle aidait le personnel d’associations et, à l’occasion, je lui envoyais des personnes de mon équipe qui étaient victimes de traumatismes.
Souvent, nous avions de longues conversations sur des sujets qui me passionnaient. Bien qu’elle n’avaient pas les mêmes convictions que moi, nos échanges m’ont aidé, étape par étape, à laisser se dissoudre ma carapace, à me donner le droit de parler de ma souffrance intime.

J’ai pu ainsi reconstruire un terrain de stabilité personnelle et une source de baume pour guérir d’émotions archi-stressées et tourmentées.

Finalement, ces circonstances, auxquelles je peux ajouter l’échec de mon mariage, eurent pour effet d’ouvrir l’énorme barrage qui retenait des fleuves de larmes stockés en moi. A l’époque, mon éducation culturelle et familiale ne permettait pas, en tant qu’homme, de pleurer. Cependant, j’ai appris que cette empreinte éducative est complètement erronée et inadéquate. Oserai-je noter que les canaux lacrymaux ne sont pas exclusivement l’apanage des femmes !
J’ai d’ailleurs trouvé, grâce à mon expérience privée et professionnelle et religieuse, un profond soulagement en acceptant enfin mes larmes, non pas comme une faiblesse, mais comme une première étage avant la catharsis.

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