J’ai enfin envie de comprendre pourquoi on appelle le contrat de travail d’un jeune avocat une collaboration et non pas une humiliation…

Des mots qui me bouleversent tous les jours

Je ne cache pas qu’il m’a été difficile d’écrire ce témoignage, car, il m’est difficile de rentrer le soir et de me souvenir des démons que j’essaie de fuir quand je sors du cabinet d’avocat oú je travaille. Néanmoins, celà m’a amenée à réfléchir et m’a, certes, fait beaucoup de bien. Ecrire m’a également ouvert les yeux sur
des choses que je ne voulais voir en moi.

J’ai intégré un nouveau cabinet d’avocat il y a quelques semaines. Je dois remplacer un collaborateur. J’ai appris plus tard, qu’il avait démissionné par dépit. Depuis, les choses ne sont pas facile pour moi, jeune avocat. Encore moins faciles peut-être qu’avant, car j’ai (enfin…) intégré la grande famille des Avocats.
L’ambiance est pesante, très pesante, avec beaucoup de pression sur moi, unique collaboratrice pour deux associées qui veulent déléguer pour être tranquilles. Elles en ont bien le droit. Donc, je suis seule face aux responsabilités, aux nouveaux dossiers et clients, et surtout au poids psychologique qui pèse sur mes
épaules. Pourtant, il y a des mots, des phrases, qu’on se refuse d’entendre. On se dit que jamais on ne se laissera dire de telles atrocités. On se dit qu’on partira en claquant la porte, en dénonçant tout cela. J’entends des mots qui me bouleversent tous les jours. Et je me tais…Je reste là, à accepter ce que j’ai cru
ne jamais accepter. On m’humilie. On m’interpelle sans se souvenir de mon nom. On ne me remercie jamais. On me refuse du café et je me suis entendu dire qu’ « un collaborateur ne boit pas de café ». Je ne vous raconte pas tout ; c’est inutile et je crois que de toute façon, l’esprit humain est ainsi fait : il occulte
seul les choses qui le dérangent. Il me faudrait du temps. J’ai eu besoin d’une relation thérapeutique avec un psychologue pour pouvoir tout
dire. Cependant, Il est tout à fait utile pour la compréhension des lecteurs de pointer la question de ma prise de poids. J’ai réfléchi et j’ai compris que je portais le poids de toutes ces ambiguïtés de la profession d ‘avocat.

La profession d’avocat

La profession d’avocat : Noblesse et agressivité, Docteur Jekyll et Mister Hyde si j’ose dire. Car je suis fière d’être avocate, pour moi, pour mon conjoint, pour mes parents et ma famille. C’est agréable dans un repas de dire « je suis avocate ». On me regarde, on me questionne, on intrigue, on suscite l’admiration…
Et après? Derrière tout cela?? J’encaisse les coups au cabinet, de mes supérieurs; Les hommes qui dénigrent la femme, les vieux qui dénigrent les jeunes, les parisiens qui dénigrent les provinciaux.

J’ai pris plus de 10 kilos

J’ai pris plus de 10 kilos depuis que je me suis orientée dans cette voie (royale) du droit, sans comprendre ce qui m’arrivait. Du sport, des régimes n’y ont rien fait et, pour le moment, n’y font toujours rien. Je me suis enveloppée dans une couche pour me protéger de toutes ces attaques quotidiennes, malgré moi, sans
jamais comprendre que mon corps comprenait bien plus vite que ma tête ce qu’il m’arrivait.
Je ne parviens toujours pas à stabiliser ce satané poids; Je me déteste quand je me regarde dans la glace, je ne me reconnais plus. Et il m’est encore plus difficile de m’aimer physiquement quand le doute m’habite moralement et de façon constante. J’ai du mal à parler de cela, même avec mon entourage proche, mon
ami avec qui je vis. Je lui dis que c’est difficile. Je lui raconte des bribes de journée, mais je ne parviens pas à verbaliser ce que je ressens.
Il me comprend, je le sais, mais je pense qu’il est loin de percevoir la vérité de tout cela. On comprend quand on a vécu l’humiliation avec un grand H. Je crois aussi que je me répète constamment qu’il faut que je les protège : pas de panique, pas d’affolement. J’ai réussi à trouver l’aide professionnelle qu’il me fallait.
Il me faut maintenant un peu de temps…
J’ai un travail dans la ville que je voulais, c’est important. Dans quelques années, je pourrai m’installer.

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