Dans les deux articles précédents : « La clinique à l’épreuve de l’expatriation » et « Le retour ou le fantasme de la Belle au Bois Dormant » nous avons soutenu l’hypothèse selon laquelle l’expatriation ne peut s’envisager sans la détermination, par le sujet, d’une échéance de retour. Et pour que ce retour soit possible, le sujet se doit d’avoir accédé à une certaine créativité.

Mais les différents concepts, du retour, ont été déterminés dans une dimension singulière (Sujet). Or, ce présent article se donne comme objet d’interroger de manière clinique et pratique ce qui se joue dans le retour vers/par le conjoint.

C’est donc interroger le retour de l’un vers l’autre, c’est passer d’une dimension singulière à une dimension plurielle.

La décision du retour et le couple

Comment s’inscrit l’autre dans La décision du retour ?

Comment construire le lien durant l’absence due à l’expatriation ?

Tant de questions qui submergent le couple quand la décision du retour se pose ou s’impose.

Questions où apparaissent de manière diffuse une certaine anxiété face aux changements qui les attendent, un malaise voire une peur d’une rencontre/non rencontre possible et les impactes conscients ou inconscients qu’auront creusé le lit de l’absence.

Pour que cette expérience du retour puisse être élaborée, deux dimensions semblent primordiales :

1)C’est poser une échéance commune, bien avant le départ, permettant pour l’un et pour l’autre d’envisager cette expatriation, dans un espace-temps donné, comme une « expérience migratoire ». L’imposition voire la co-construction d’une échéance permet à chacun des partenaires d’apprivoiser ce retour et de se préparer ensemble à la remise en lien, à la reconstruction du couple ;

2)C’est maintenir une communication régulière durant le temps de l’absence comme moyen de résorber la fantasmatisation du lien ; de permettre la construction d’une nouvelle histoire faite de l’absence physique nécessitant pour chacun des conjoints l’appréhension de la séparation sur un mode secure et suffisamment stable;

La certitude du retour

L’imposition d’une échéance commune implique la reconnaissance, intellectuelle et sensible, que la migration aura une fin. Cette conviction crée une sécurité des retrouvailles. Par conséquent, chacun aura l’intime conviction que le retour n’est pas seulement rendu possible mais certain.

C’est cette certitude d’une fin qui permet, au couple, de construire une sécurité affective et temporelle.

La décision n’incombe pas exclusivement au sujet qui décide le retour, elle doit permettre la co-création d’un projet commun nécessaire à l’inscription du partenaire dans ce choix. Les réactions du partenaire, qui reste quand l’autre s’expatrie, dépendent de la qualité des liens qui les unissent.

Le fait d’intégrer le partenaire, dans ce projet, permet de pallier aux sentiments d’abandon voire de rejet pour celui qui reste.

Si cela nous semble essentiel, c’est tout simplement que le retour est motivé par/vers le conjoint. Le sujet ne se retrouve plus dans une situation singulière de choix mais bien dans une situation plurielle où le partenaire à une place essentielle. C’est pourquoi, l’imposition voire la co-construction d’une échéance commune constitue l’étape essentielle de réinscription du partenaire.

L’exigence d’une communication soutenue durant le temps de l’expatriation permet le maintien du lien nécessaire à la vie du couple. Outre le fait de diluer l’absence, elle permet d’apprivoiser l’évolution de chacun. Il va sans dire que cette absence physique aura laissé des traces d’une évolution singulière entraînant le risque, pour l’un et pour l’autre, d’une méconnaissance. L’autre est-il devenu autre ? Se pose ici la question du risque inhérent à toute séparation, à savoir celui du changement singulier.

Communiquer l’expérience migratoire

Communiquer son expérience subjective d’expatriation n’est pas une chose aisée. Communiquer implique la prise en compte du rythme de l’autre. Dans la mesure où l’un et l’autre peuvent continuer à élaborer « l’expérience migratoire », pouvant intégrer et assimiler les changements survenus, ils auront chacun suffisamment apprivoisé l’évolution de l’autre. Mais que cet apprivoisement ne soit pas uniquement intellectuel mais vécu de manière sensible pour le couple.

C’est à cette condition que le couple pourra inscrire cette absence dans leur histoire à venir et éviter l’écueil d’une cristallisation et/ou de la méconnaissance évolutive de chacun des partenaires.

Or, la difficulté communicationnelle est parfois le fait de l’éloignement géographique. Par conséquent, les voyages de visite prennent le sens d’une confrontation réelle et tactile du conjoint afin de résorber la déficience communicationnelle. Ces visites permettent de réorganiser les valeurs et les liens restés en mouvement durant le temps de l’expatriation.

La situation de retour par/vers le conjoint crée un état de tensions pour les deux partenaires celles de l’attente et des risques inhérents à la non rencontre possible des deux êtres.

Préparer le retour

Préparer son retour c’est aussi préparer l’autre à son arrivée et se préparer à accueillir l’autre dans cette nouvelle histoire en co-construction.

Communiquer et partager son expérience subjective constituent la pierre angulaire de ce nouvel exil vers son pays d’origine. C’est une nouvelle étape d’acclimatation mais cette fois-ci non plus seul mais avec/vers le conjoint.

PAR VICTOR HOANG, PSYCHOLOGUE CLINICIEN,
DOCTORANT EN PSYCHO-PATHOLOGIE CLINIQUE, FRANCE -VIETNAM
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