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L’acte de payer

On entend souvent : « Pourquoi payer quand je peux parler gratuitement à un ami ? ».

Cette réflexion fait référence à deux points : Premièrement la fonction spécifique du psychologue clinicien et deuxièmement le « fait de payer » qui est aussi et surtout « poser un acte » .

La fonction du psychologue est analysée dans l’article, « A propos des psychologues cliniciens, leur pratique… » voir : Qu’est ce que le psychologue fera de plus qu’un ami ? ».

En ce qui concerne le paiement au professionnel, et, mis à part le fait que “tout travail mérite salaire”, voyons maintenant (très succinctement) la composante thérapeutique du paiement du côté de l’usager.

L’acte effectué par l’usager de payer directement son psychologue psychothérapeute est inscrit dans la démarche spécifique de se prendre en charge. Il s’agit de se positionner dans un désir personnel d’évolution c’est à dire vouloir changer les choses pour soi et PAR soi.

Cependant, cet acte n’est qu’un chaînon parmi d’autres.

Qui prend le 1er RV ?

Dans le cas d’un futur patient majeur, c’est à lui qu’incombe la responsabilité de prendre ce rendez-vous. Sa famille, sa compagne (son compagnon), ses enfants, son médecin peuvent lui conseiller de faire cette démarche. Néanmoins, c’est à lui seul de prendre la décision de décrocher son téléphone !

1er rendez-vous, pour qui ?

Parfois, le ou les premiers rendez-vous sont pris « pour faire plaisir » ou pour satisfaire le désir de son environnement. La personne pourra faire « acte de présence » à quelques séances et stoppera rapidement dès qu’elle se trouvera « face à face à elle-même » c’est à dire qu’elle percevra qu’elle ne dupe qu’elle-même.

Cependant, parfois aussi, ces premiers rendez-vous peuvent provoquer un vrai soulagement pour conduire peu à peu à une réelle demande de la part du futur patient.

Qui paie ?

Les professionnels savent que, bien que majeur, c’est parfois une personne de la famille qui aidera le patient au niveau pécuniaire (chèque du conjoint, aide de la mère…). Ce point sera évoqué et analysé dans le secret du cabinet du psychologue thérapeute et nous n’aborderons pas ce point ici. Cet élément est particulièrement important (et violent pour beaucoup). Il est aisé de s’en rendre compte en parcourant les nombreux messages , souvent d’une grande violence, dans les forums internet « tous publics ».

L’argent selon Freud :

S.Freud a surtout théorisé le rapport entre l’argent et le stade anal. Les relations que l’adulte peut entretenir avec l’argent découlent de son vécu pendant le stade anal, notamment en ce qui concerne la valeur donnée, dans le couple mère/enfant, au « boudin fécal ». Cette partie détachable du corps de l’enfant est, en fait, sa première monnaie d’échange (faire plaisir ou non à sa mère, à l’endroit prévu à cet effet, dans un temps raisonnable), et en la retenant (rétention/avarice) il se protège du danger fantasmé d’être vidé de sa substance.

Le sujet (la personne) ayant accepté un certain nombre d’interdits (loi du père dans le complexe d’Oedipe), de limites imposées dans sa culture et sa société, est capable de trouver un espace pour ses désirs, non pas en transgressant les règles, mais en les faisant reculer. Ce point est particulièrement important dans le cadre de la maturité psychique de l’être humain.

Ces confrontations aux désirs de l’autre permettent à la notion d’altérité d’être assimilée (complexe d’Oedipe/différence des sexes).

L’argent (instrument d’échange et de communication) va devenir le moyen de gérer, passer contrat, échanger, avec l’autre différent.

Par exemple, en acceptant qu’un objet ou qu’une prestation ait un prix fixe, ni plus ni moins (non négociable), on accepte aussi que les autres ne soient pas régis par nos propres désirs.

On fait aussi le deuil de la toute puissance fantasmée de l’enfant par rapport à notre enfance.

Le paiement du patient : Est-ce que je le vaux bien ?

Lorsque le patient est financièrement indépendant, chaque consultation lui « coûte » des efforts. Chaque paiement peut s’apparenter à la même question : Est-ce que mon « mieux être » le vaut bien ? C’est-à-dire est ce que moi, je le vaux bien ?

Grâce à un paiement direct, même symbolique dans certains cas (les enfants, les personnes sans revenus..) l’usager n’est pas redevable de quelque chose envers le professionnel. Il est d’autant moins tenté de le considérer comme un être charitable ou aimant (ce qu’il ne doit pas), de se considérer comme un « assisté » (l’enfant par rapport à sa mère).

Le psychologue et l’usager se mettent d’accord sur un travail à accomplir, aux dates et heures précisées ; en échange d’honoraires le psychologue va aider son patient à un « mieux être » par lui-même et pour lui- même.

Remarquons, à ce propos, que certains psychologues ne sont pas rétribués directement (spécifiquement) par les bénéficiaires de leur travail (par exemple ceux des hôpitaux, des Centres Médico-psychologiques et dans la majorité des associations caritatives).

Cependant, de plus en plus, des associations de bénévoles proposant ce soutien spécifique et désireuses que les patients évoluent réellement et durablement dans leur vie, demandent un paiement symbolique (qui peut être une somme d’argent minime) à chaque consultation.

Cette demande de paiement « valorise » le travail personnel des patients pour acquérir un bien être psychique pérenne. Elle devient un acte évident de respect envers leurs usagers et vécue comme telle par ces derniers.

Il est évident que la rigueur d’un professionnel en psychologie, c’est à dire un psychologue diplômé, fait partie intégrante du respect qu’une association doit envers ses demandeurs en souffrance.

Le fait de payer son psychologue clinicien thérapeute , pour un travail identifié et précis, permet donc à l’usager de ne pas contracter une dette ni envers le professionnel, ni envers la société, c’est à dire ni envers ce qu’ils représentent. (symboliquement) pour le patient.

Il s’agit de se confronter à ses propres responsabilités afin d’apprendre à les assumer comme un citoyen adulte dans la société.

L’apprentissage est parfois difficile et douloureux. Peu à peu, le patient apprend à ne pas prendre de « bouc émissaire », à ne pas faire porter à l’autre ses propres défaillances par rapport à un acte posé (l’exemple le plus courant est l’acte de prendre un rendez vous, puis de ne pas le régler lorsque l’on n’a pas assuré sa part du contrat en y venant).

C’est souvent dans ces situations où le désir inconscient du patient n’est pas forcément en cause (grève, accident dans le métro…) où il peut entendre résonner en lui sa petite voix d’enfant : « c’est pas ma “faute” si j’étais pas au RV ! c’est l’autre qui… », là où un sujet mature et responsable de l’acte posé (prise de RV) assumera.

Ces points importants dans le processus thérapeutique sont générateurs d’un renforcement positif chez le patient, du respect qu’il a de sa personne, de sa parole, de ses actes et de tendre ainsi à une maturité psychologique d’adulte sain et équilibré.

Cependant, le plus souvent, nous le répétons, le mécanisme se fait dans la douleur du deuil difficile d’une certaine irresponsabilité de l’enfance. Cette irresponsabilité peut être entretenue par la famille, mais aussi, bien sur, par la culture ambiante, la société, une politique sociale du « tout aide »….

Supporter et gérer des sentiments désagréables (frustration, injustice, colère…) sont les prémisses de cette évolution positive. (On entend encore souvent l’enfant qui sommeille dans chaque adulte crier « ce n’est pas moi ! »,  » je n’ai pas fait exprès ! ».) C’est alors une demande implicite à la mère (au travers de la relation au psychologue) d’assumer la faiblesse ou la carence de l’enfant.

Il est fondamental que le psychologue thérapeute ne se rende pas complice de cette régression afin d’aider efficacement le patient.

Cette prise de responsabilité du sujet est un réel acte d’indépendance et fondateur d’un processus qui est voulu par l’usager (en suivant un travail thérapeutique), même si les étapes qui le scandent ne sont pas forcément identifiées dans un premier temps.

Le paiement de l’usager directement à son psychologue psychothérapeute est, sans aucun doute, l’un des leviers importants qui permet une évolution plus sûre. Dans la pratique, les professionnels qui ont une longue expérience en institution (séances gratuites pour le patient) et en cabinet libéral (paiement direct par le patient) remarquent que ce dernier processus incite l’implication du sujet dans une évolution personnelle plus rapide.

L’usager gagne alors grandement en autonomie. Le travail psychique spécifique qui se met en route, l’aide à se sentir responsable de ce qui se passe en lui et permet ainsi, peu à peu, de retrouver une liberté de pensée.

Nous devons relever qu’il peut exister des méthodes d’aides, relevant d’autres registres, qui peuvent être « gratuites ». Par exemple, certaines situations individuelles dont la cause réelle, ponctuelle et identifiable relève du social ou plutôt du communautaire moderne. Une aide sans compensation financière , peut permettre à l’individu de sortir d’une période difficile temporaire. Ces coups de pouce peuvent être fournis par des amis, des collègues ou des parents (par exemple mentionner l’aide possible d’un professionnel diplômé, mise en relation pour retrouver un travail, aide à une remise à niveau scolaire, une information au sujet d’un appartement vacant, une adresse…)

Il est à regretter que ce type d’acte social communautaire soit de plus en plus rare dans nos contrées.

Néanmoins, lorsque la situation de « demande », de plainte, de souffrance perdure malgré un entourage « aidant » et bienveillant, l’apport professionnel d’un psychologue thérapeute expérimenté est bénéfique d’abord pour la compréhension du problème sous-jacent puis pour sa gestion par l’usager souffrant.

PAR D. SERRANO FITAMANT PSYCHOLOGUE CLINICIENNE,
PSYCHOTHÉRAPEUTE, FORMATRICE SUPERVISEUR, FRANCE-ESPAGNE
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