Faire un enfant, c’est proposer la vie à un nouvel être, et non lui imposer de vivre celle d’un autre.

Il est fréquent d’entendre, peu après un décès, qu’un enfant est le meilleur moyen d’oublier sa tristesse et de passer à autre chose dans la vie. Ces évènements de la vie, les morts, la MORT, qui appartiennent à la vie et qui sont très souvent occultés, niés, refusés, hantent perpétuellement les gens tant que ces derniers ne les accepteront pas. C’est ce qu’on appelle faire le deuil.
On ne fait pas le deuil d’un être cher disparu ou d’une situation conflictuelle très difficile en le remplaçant par un bébé, un enfant. Faire un enfant c’est proposer la vie à un nouvel être et non, lui imposer celle d’un autre. Donner la vie à son enfant, c’est bien ce que chaque parent responsable est censé faire. Lui offrir la vie et non pas la mort d’un défunt. Il ne s’agit pas de lui faire jouer le remplaçant sur le banc de touche qu’on réactive ou qu’on accepte de faire jouer, quand on est d’humeur à oublier la peine.

Quand le chagrin est trop lourd

Malheureusement, il arrive parfois, que le chagrin soit tellement fort que les parents ou l’un des deux ne puissent plus maîtriser la situation, et par conséquent, ne puissent plus rien proposer d’autre que d’être remplaçant d’un autre « absent ». Aujourd’hui je comprends cette situation, mais je ne peux l’accepter.
Cette place que j’occupe est trop pesante malgré sa transparence. Il m’est difficile de vivre pour moi, par moi, quand j’intègre, inconsciemment bien sûr, que ma mission fût de remplacer mes grand mère et oncle maternels. Difficile pour moi de trouver ma place de vivant parmi tous ces morts ! Ceci explique enfin cela, dur de se sentir en vie, de se sentir aimable et aimante, de se sentir exister et je dirais même de s’autoriser le droit d’exister et d’être sur cette terre parmi les vivants.
Question fatale mais logique finalement: Pourquoi, moi, je vis alors que les êtres chers sont partis? Je culpabilise même de vivre car s’ils n’étaient pas morts je ne serai pas là. C’est presque à cause d’eux, de leurs morts que je suis là ; je suis finalement le reflet et la représentation même des disparus ! quel poids !!!!!!!!

L’ombre des fantômes

C’est souvent pour cela certainement que j’ai l’impression d’avoir des ombres qui me suivent. Ne m’en voulez pas, chère grand-mère et cher oncle, mais j’aimerais bien que vous puissiez rester à vos places de morts et me permettre d’être heureuse. Je voudrais tant apprécier le plaisir de vivre et non ressentir la culpabilité de votre accident. Je sais, ni vous ni moi, n’y sommes pour rien ni dans votre mort, ni dans ma présence.
Le destin en a décidé ainsi et il faut apprendre à l’accepter ce que j’essaye de faire. En revanche ce n’est le cas pour celle qui m’a « commandé » comme on commande un médicament à la pharmacie. C’est à dire ma mère.
Encore une fois quel poids les morts !!! Vos âmes sont chargées d’émotions de tristesse, de joie peut être, de colère, de rancœur, d’émotions de vie mais que je dois taire, sous peur de les rappeler aux vivants et de rappeler la tristesse du décès, de rappeler le vide et le manque que vous laissez derrière vous, de rappeler ce drame. Avant tout, le message que je souhaiterais faire passer en partageant mon expérience de vie, c’est que les morts ne seront jamais remplacés.
Quoique l’on fasse. Tout d’abord il est question, je pense, d’acceptation. Acceptez leurs départs, acceptez d’être triste, parlez leur si vous avez des choses sur le cœur, si vous avez de la rancœur ou encore plus simplement si vous avez envie de leur dire que vous les avez aimés et que vous vous souviendrez d’eux.

Des enfants morts vivants

Vous ne les oublierez pas. Si vous avez peur de cela, vous ne devez pas pour autant vous obliger à penser à eux. Cela signifiera que vous acceptez la vie avec les départs et vous pourrez enfin apprécier à leur juste valeur les arrivées. Vous les magnifierez pour leurs essences mêmes. Leurs places seront pleines et entières parce que vous aurez avant tout fait une place aux morts, de mort et non de morts-vivants.
Ne faites pas d’enfants pour combler vos blessures ou les panser. Ils ne feront que vous rappeler les morts. J’ai été cet enfant. J’ai vécu cette situation, et je peux vous dire que c’est une souffrance véritable que de sentir que vous devez rendre heureux ceux qui ne vous désiraient que dans le but d’atténuer leurs chagrins.
Ce sont vos enfants qui deviendront des morts-vivants. De grâce, faites-leur la joie de les accueillir et de leur donner telle que l’expression le dit si bien « LA VIE ». Soyez vrai et ne trichez pas avec vos sentiments.
C’est si dur d’avoir confiance en soi, en la vie quand vos parents ont triché sur les raisons de votre venue. J’en souffre encore aujourd’hui parce que se décoller des morts et de leur mémoire est tellement difficile quand vous avez vécu juste pour ça. J’ai toujours cru finalement que ma mission était de faire en sorte que ma mère puisse continuer à vivre. Elle formait mon essence de vie pour qu’elle puisse continuer à vivre. Ma psychothérapie m’a permis de m’en rendre compte très clairement et ce fût ma vraie naissance.

Le droit de le dire

Cela devait être tellement difficile pour elle de supporter la vie sans sa mère et son frère. Il a fallu que je la supporte et que ce souffle de vie qu’elle était censée me donner, elle se l’est finalement insufflé à elle même. J’arrive à la fin de la 4ème année de ce travail d’analyse. Par moment encore, la vie ou plutôt ma raison de vivre, est loin d’être une évidence et je sens bien que la souffrance fût la trame de ma construction. La dépendance à ma mère, ou je dirai aujourd’hui sa dépendance à moi, est intrinsèquement liée à mon existence et ma vie.
Vivre ma vie. Je ne demande que ça aujourd’hui sans pour autant ressentir une once de culpabilité lorsque je me rends compte que je dois prendre une décision, faire un choix aussi minime qu’il soit pour moi.
VIVRE pour moi. C’est vraiment handicapant quand vous avez des « caspers » autour de vous ! C’est peut être une marque déposée !! un peu d’humour ça détend dans ce sujet si douloureux !! mais rire c’est se sentir en vie aussi paraît-il. J’avoue qu’en ce moment je pleure plus que je ne ris, ce qui est la manifestation de ma souffrance. Aujourd’hui j’avance, enfin c’est le sentiment que j’ai à l’instant T, mais qui est loin d’être ancré en moi et d’être une évidence. A chaque jour sa peine.
Je sens que des démons s’envolent et que le poids sur mon dos est un peu plu léger. Et pourtant peut être que j’essaye surtout de m’en convaincre… Ce que je sais, c’est que je suis maintenant capable de parler….
Parler c’est évident pour beaucoup… Cela ne l’était pas pour moi. Les mots sortent, fusent, bloquent, jaillissent et apaisent, posent, cadrent les choses du passé parfois si cachées et enfouies au fond d’une mémoire qui essayent d’émerger mais qui trouve difficilement la lumière, qui rassure et qui indique la voie/voix de la sortie. Parler c’est prendre un droit qu’on a peut être pas eu jusque là.

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